Théorème de J.B. Corot : « la ville de Copenhague est équipée de 350 km de pistes cyclables surélevées, séparées de la route et très sûres » dont plus de 550 km font les trottoirs d’Orléans et son agglomération.
« Ussel-Montluçon – mémoire sur la ligne de chemin de fer » de Julien Dupoux, pour donner le titre complet de ce petit livre.
En 2008, la ligne de chemin de fer entre Ussel et Montluçon est pour être fermée… définitivement. Remplacée et être remplacée par un « service » d’autobus.
Ce livre est la dernière criée de la ligne ; il n’est pas une promenade le temps d’un voyage, gares après gares. Il n’est pas dans la linéarité du train, loin de là. La nostalgie ici n’est pas que passéiste, et même si elle ressemble à celle que de nombreux voyageurs racontant les autres lignes en train — façon de parler — fermées pourraient avoir, la nostalgie présente est colère :
[…] C’est étrange, un train qui meurt. C’est le silence. C’est un mastodonte qui s’écroule et pourtant, c’est à peine – à peine – si on le voit. Les gens s’étaient habitués à ne plus se servir du train.
Le train est mort comme un vieil éléphant. Il est mort à petit feu, comme si cela était dans l’ordre des choses. Il s’en est allé à son cimetière parce que c’était son jour, son heure, et qu’il ne devait plus gêner la communauté.
Mort le train, mort ce petit trajet que je faisais pour rentrer à la maison. Mortes les falaises dynamitées, mort le viaduc de la Tardes, morts les passages entre les champs. Je vous reparlerai du viaduc de la Tardes, mais pour le moment, je le pleure. […]
Le récit suit un cycle ou plutôt, le mouvement de la roue qui donne l’élan à la locomotive. Une anecdote est contée, à peine terminée, la voici de nouveau racontée dans un nouveau chapitre, avec une nouvelle couleur, une nuance, une tonalité différente. Et ce, une fois, deux fois, trois fois comme si la machine faisait un retour après s’être rendue compte d’avoir oublié un morceau de vie sur un quai de gare.
La colère présente est froide, triste devant la disparition de ce qui ne sera plus. Une tristesse mélangée à un sentiment d’impuissance devant le moloch qui broie l’individu.
[…] Disparu le train est mort, mort le train. Disparu. La SNCF s’est désolidarisée du train et l’état va se désolidariser de la SNCF. Et chacun, humble cellule inactive, ira s’allonger loin du monde. Adieu au train : le train est mort. Morte la ligne de chemin de fer. Touchez-la, elle est froide, froide de ne plus servir, tendez l’oreille, elle ne respire plus. Plus d’organe distillant le sang, plus d’aller-retour, plus de cœur. Seules les herbes poussent encore, non tondues. Elles s’emparent du rail comme elles peuvent. […]
Ce livre n’est pas disponible en librairie, c’est de l’auto-édition. Il a été fait dans le but de donner un témoignage local. C’est un livre fort bien écrit, malgré la colère. Il y a de la colère mais aussi, ce qu’il faut de poésie pour l’éloge funèbre de la ligne.
[…] Je ne voudrais pas qu’il soit seul, le train.
Mais je meurs seul comme lui et demain je serai tout seul à être mort au milieu des vivants.
Et les ronces poussent, et les roses fleurissent et les chemins que j’ai empruntés se couvrent d’herbe et les horloges que j’ai regardées se couvrent de voiles. Je serai aussi léger et mort demain que j’étais lourd et vivant hier. Et dans la brume, debout et immobile, dans la brume il me semble que j’entends le train.
Le 12 avril 2008.
La géographie des lieux est quasiment entièrement inscrite dans la domaine occitan. L’auteur ni ne parle ni n’écrit dans la langue du pays — a priori — et c’est vraiment dommage de passer à côté de cette culture, car nombreux sont les passages « Delpastrien » dans ce livre.
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Le livre dans le data de la BNF (>fr)
Sur l’auteur, quelques articles tirés du journal local (>fr-La Montagne) :
Julien Dupoux, agitateur écologiste creusois, vient de publier Requiem pour un pays sauvage, qu’il présente, à juste titre, comme un pamphlet.
Marcelle Delpastre (1925-1998). Relégation au local et aspiration à l’universel
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