Théorème de J.B. Corot : « la ville de Copenhague est équipée de 350 km de pistes cyclables surélevées, séparées de la route et très sûres » dont plus de 550 km font les trottoirs d’Orléans et son agglomération.
Je vous propose une version spéciale « photographies anciennes » de l’émission de France Inter (>fr). Vous êtes bien installés dans votre fauteuil préféré, une boisson à disposition, le générique est joué par Franco Foderà, sur un tempo un poil plus nerveux que l’original, probablement le désir de sortir du grand confinement 😀
Note :
L’ensemble des photos et des liens de ce billet, sauf mention, renvoie au site Vintage Everyday (>en) un site dont les liens renvoient également à d’autres sources. De plus, ne parlant pas un mot d’anglais, les traductions — des « digests » pour être précis — ont été faites le petit doigt dans le dé à coudre… à coudre des masques.
La photographie précédente est souvent légendée ainsi « Mme FM Cossitt, première femme à faire du vélo à New York, en 1888 ». Malheureusement, il y a peu d’informations, ou de citations, pour confirmer l’origine de la photographie, le nom du photographe, l’identité de la femme.
Cette photo soulève alors de nombreuses questions ? La principale est : « Est-ce en fait une photo de Mme F. M Cossitt ? » et la suivante immédiate « a-t-elle été la première femme à faire du vélo à New York ? »
Cette photographie est visible au musée de la ville de New-York (>en) et c’est la seule institution qui donne du crédit la légende du carte. Le musée fournit pas d’autre information que la photo si ce n’est qu’elle a été prise « vers » 1888, une période qui correspond à la popularisation du cyclisme chez les femmes, ce, en partie grâce au succès du vélo de sécurité*.
Les archives du New-York Times reportent l’existence des courses annuelles des différents clubs cyclistes ; un certain FM Cossitt des Riverside Wheelmen était l’un des 60 coureurs de l’une d’elle.
Plus tard, le même journal nous apprend l’existence d’une Mme FM Cossitt, en qualité de membre du comité d’organisation de la foire Bloomfield Cycling and Athletic Association qui se tiendrait au Central Hall les 7 et 8 mai 1895. La foire semble avoir été un succès [NDR : l’article original est plus complet].
Le recensement de l’État du New Jersey (1895) ne répertorie qu’une seule personne portant les initiales de FM Cossitt. Franklin Millard Cossitt était mariée à Carrie Estella Cossitt, née Gray. Le couple a été enregistré résident du comté d’Essex, une zone qui comprend Bloomfield. Si la description accompagnant la photographie est correcte, nous pouvons en déduire que la personne est Carrie Estella Cossitt.
Peu de temps avant que la date supposée de la photographie, Franklin Cossitt travaillait pour George Eastman, l’inventeur de l’appareil photo à pellicule Kodak en 1888 et fondateur de la Eastman Kodak Company en 1892. La compagnie cherchait à améliorer les caméras de détective, dès 1886, l’année où Franklin et Carrie se sont mariés. Au regard de son intérêt pour les appareils photographiques et la photographie en elle-même, il y a de grande possibilité que ce soit Franklin lui-même l’auteur de la photo de sa jeune femme sur son vélo.
L’interrogation de savoir si Carrie a été LA première femme à faire du vélo à New-York reste entière. Il semble qu’il n’y ait aucune trace écrite que ce soit le cas. En 1890, un chroniqueur du journal new-yorkais The Sun déclara que Pauline Hall, actrice et chanteuse, « fut la première femme à avoir roulé à vélo ». L’actrice aurait appris à monter à vélo sur West End Drive ce pour perdre « une surabondance de tissu adipeux». Pauline Hall est vue à vélo au moins dès 1888, cela est rapporté par The Evening World ; elle avait « créé une fureur d’excitation en apparaissant sur Columbus Avenue », Boston, sur un vélo qu’elle avait amené avec elle de New-York afin qu’elle puisse « faire de l’exercice tous les après-midi lors de ses fiançailles ». En novembre 1888 The Evening World reportait une autre histoire sous le titre « Cycling Prima Donna : Pretty Pauline and Jaunts on the Wheel » dans un récit quelque peu approfondi et décevant de ses prouesses à vélo.
Ces rapports sur les activités cyclistes de Pauline Hall jettent un doute sur l’affirmation selon laquelle « Carrie Cossitt a été la première femme à faire du vélo à New York ». Fait intéressant, The Evening World lui-même est à l’origine d’une autre affirmation. Dans un article de 1919, au sujet de la façon de vivre (régime et condition physique) de Harry Buermeyer, vétéran de la guerre civile américaine, 80 ans alors et célèbre athlète, il est affirmé que c’est Mary, sa femme, qui « a été la première femme à faire du vélo à New York ». Cependant, comme pour la photographie de Carrie, la déclaration n’est nullement nuancée par d’autres informations.
Bien sûr, Hall était déjà célèbre en 1888, et Mary Buermeyer était reconnue en qualité de nageuse et haltérophile à part entière, en plus d’être l’épouse de Harry Buermeyer. De fait, ces 2 là étaient plus susceptibles de faire l’objet d’un article de presse que Carrie Cossitt, ce qui peut expliquer pourquoi il n’existe pas une preuve qu’elle soit « la première femme de New York à faire du vélo ». Le scénario le plus probable est que la première femme cycliste de New York était une sœur, une fille de ou l’épouse… qui a appris à monter sur le vélo d’un parent masculin et dont le nom n’a jamais été enregistré.
À moins que des preuves supplémentaires soient révélées un jour, il est impossible de déterminer qui a été la première femme à faire du vélo à New York. La « réclamation » faite pour Carrie Cossitt s’appuie sur des preuves des plus maigres. Ce qui semble probable, c’est que la photo de cette jeune femme à vélo est celle de Carrie. Bien qu’il soit douteux qu’elle ait été la première femme à utiliser un vélo, il est possible par contre qu’elle soit la première femme de New-York à avoir été photographiée en train d’en faire.
Note :
La bicyclette de sécurité — safety bicycle dans la langue de la reine des anglois — est la remplaçante du grand-bi jusqu’alors le type de bicyclette le plus utilisé. Suite à l’invention de la chaîne (vers 1876), la transmission du mouvement du pédalier vers les roues a été facilité. Le qualificatif « de sécurité » vient de la position de la personne lors de l’utilisation, même si les 2 roues n’étaient pas encore systématiquement de la même taille. C’est également à cette époque que le cadre « diamant » a fait son apparition.
« 30 photographies » est la promesse du titre original, une unique photographie sera publiée dans ce paragraphe qui fait suite au précédent. L’occasion de rappeler, une fois de plus, que le vélo, la bicyclette, a été un formidable outil d’émancipation humaine, ce dès l’origine, et, il l’est encore de nos jours.
Le vélo dit « de sécurité » a été inventé en 1887, et jusqu’alors, peu de femmes montaient sur les vélos à roues hautes [NDR : grand-bi] de la génération précédente. [NDR : l’invention de la chaîne et l’abaissement du cycliste ont favorisé] Dès les années 1890 « un engouement pour le cyclisme » et offert un nouveau type de mobilité à de nombreuses jeunes femmes. Rien qu’en 1897, plus de deux millions de vélos ont été vendus aux États-Unis, soit environ un pour 30 habitants.
Les vélos facilitaient les rendez-vous sans chaperon, voir les fugues, mais le plus troublant pour certains moralistes de l’époque, c’est que les cyclistes [NDR : au féminin] portaient des culottes bouffantes, considérées alors comme indécentes de par leur ressemblance à des pantalons pour hommes. La Women’s Rescue League de Boston a même affirmé qu’après la fermeture des maisons closes, les prostituées faisaient du vélo pour atteindre leurs clients.
La seconde grande accusation contre l’engouement pour la pratique de la bicyclette était que les gens passaient leur dimanche — souvent le seul jour de la semaine sans travailler — à faire du vélo plutôt que d’aller à l’église. La fréquentation des églises par les hommes était déjà en baisse, alors, si la pratique cycliste s’ouvre aux femmes, les prédicateurs allaient se voir prêcher uniquement devant des malades et des personnes âgées.
Une roue fait le monocycle, deux roues la bicyclette, trois, le tricycle, mais 2 roues parallèles font de l’engin… une « Otto » à part entière, mais différente.
Selon les recherches d’Andrew Pattle et Wayne Mann rapportées dans le livre « Mr Otto’s Bicycle », la Birmingham Small Arms Company (BSA) a construit 953 « Ottos » entre 1880 et 1883. L’engin a ensuite été appelé « Dicycle » car ce n’était pas un tricycle mais, quoique sur 2 roues, ce n’était pas exactement une bicyclette.
Edward Otto a inventé et breveté le Dicycle comme une alternative plus sûre aux terreurs imposantes du vélo ordinaire [NDR : le grand-bi alors, le vélo dit « de sécurité » a été inventé en 1887]. Son vélo avait deux énormes roues de 56 pouces — 142 cm — montées côte-à-côte et reliées par un axe. Pour équilibrer l’engin, il y a un bras oscillant fin avec un rouleau en caoutchouc à l’extrémité pour l’empêcher de basculer vers l’arrière.
Le pilote était assis entre les roues, au-dessus de l’essieu et pédalait à l’aide d‘un système de pédale fixé à l’essieu par de longues tiges. Les pédales faisaient tourner des poulies à chaque extrémité, et entraînaient les roues via des courroies en caoutchouc.
À la portée de main du pilote, deux leviers permettaient de désengager l’une ou l’autre des poulies, cette action de cessation de tourner, permettait les changements de direction. Il y avait aussi un simple levier de frein à main pour chaque main, chacun connecté à une roue différente.
L’invention d’Edward Otto était indubitablement plus sûre que le grand-bi, même s’il faudrait relativiser cette affirmation. Lorsque la Birmingham Small Arms Company s’est éloignée de son cœur de métier, la production d’armes, pour construise et vendre des Dicycles, ces derniers sont devenus les vélos populaires en ce temps.
À Orléans, nous sommes dans l’attente de « au moins » une « trace visible d’une action concrète dans la réalisation d’itinéraire tactique » à un point tel que A. Daudet vient d’annoncer au gramophone de treize heures qu’il rebaptisait son œuvre « l’Arlésienne »* en « l’Orléanaise ». Ce vélo volant semble une belle solution pour jouer à saute bouchon**, le temps du déconfinement.
Imprimé comme un poisson d’avril (NDR : nous sommes bien en mai 2020) dans un journal allemand. La photo est un photomontage forgé à partir d’une photo réelle de Wiedenhoft, prise un mois avant lors d’un test de son « vélo-fusée » sur un toit de l’aéroport de Tempelhof à Berlin, en Allemagne.
Max Wiedenhöft est un ingénieur en avionnique allemand. Il est rapporté qu’il avait lancé une compagnie aéronautique à l’aéroport de Tempelhof. Il avait atteint une vitesse de 167 km/h en vol. Son espoir était de développer un « engin volant » comme un « vélo-fusée », ce, dans le but d’atteindre une vitesse de 400 km/h.
Notes :
*L’Arlésienne est un mot qui désigne « celle ou celui ou l’action qu’on attend et qui ne vient jamais ; une chose dont on parle mais qui n’arrive ou ne se produit jamais. »
L’Arlésienne dont il se parle dans l’expression n’est pas l’habitante de la ville d’Arles, mais celle d’Alphonse Daudet qui la fait apparaître dans un conte en 1866, mis en musique par Georges Bizet en 1872 dans un opéra où le personnage qui lui donne son titre n’apparaît jamais sur scène.
**Le moment de rappeler aux chouineurs que « un bouchon automobile n’existe pas, ils sont le bouchon ».
Même si votre serviteur lutte contre l’image sportive du vélo, souvent la seule véhiculée, avec celle des loisirs, il lui est difficile de passer outre le Tour, encore plus cette photo de 1903.
Le Tour de France est la première course cycliste mise en place et parrainée par le journal L’Auto, l’ancêtre du quotidien L’Équipe. Il s’est déroulé du 1er au 19 juillet 1903 en six étapes sur 2428 km. La grande différence, en comparaison des courses par étapes modernes, c’est la longueur des étapes ; elles étaient extraordinairement longues, avec une distance moyenne de plus de 400 km, contre 171 en moyenne sur le Tour de France de 2004. Cependant, les cyclistes disposaient d’un à trois jours de repos entre chaque étape, et le parcours était plat sur sa plus grande partie, il n’y avait qu’une étape de montagne importante.
60 cyclistes, professionnels ou semi-professionnels, ont pris le départ de la course, dont 49 français, 4 belges, 4 suisses, 2 allemands et 1 italien. Maurice Garin était le favori avant la course et il a fini par remporter l’épreuve. Les cyclistes n’étaient pas en équipe et courraient donc individuellement. Ils payaient un droit de participation de dix francs (87€50 en 2003) pour participer à la course au classement général, ou cinq francs pour entrer dans une seule étape. Les étapes étaient si longues qu’elles commençaient en soirée, avant l’aube, sauf la première ; par exemple la dernière étape a commencé à 21h00 la veille.
Première Guerre mondiale. La Croix-Rouge transporte des soldats blessés sur des «civières à vélo». Rotterdam, Pays-Bas, 1914.
Pas d’excuses pour ne pas véhiculer un enfant sur son vélo, nous savions déjà le faire dans les années 20 !
Au Japon, la livraison des « fast-food » a radicalement changé depuis les temps anciens des demae (littéralement « aller devant »). Avant l’existence des téléphones portables, des applications et des commandes en ligne, les livreurs utilisaient une technique spéciale pour empiler la nourriture sur leurs épaules lorsqu’ils effectuaient des livraisons (les universités par exemple).
Un des aliments populaires était le soba — des nouilles de sarrasin qui peuvent être consommées froides avec une sauce, ou, servies chaudes dans un bouillon — car elles étaient abordables et pouvaient être transportées sans perdre de saveur ou d’apparence.
Demae trouve son origine dans la mi-période d’Edo dans les années 1700. Ce système de livraison était principalement utilisé par les riches daimyo (seigneurs féodaux) qui envoyaient des serviteurs pour faire savoir aux commerçants ce qu’ils voulaient, et que la nourriture soit livrée à domicile. Au fil du temps, les demae sont devenues une pratique plus courante, plus abordable, et le système a été utilisé par des étudiants ou des employés de bureau.
Il n’y avait pas de téléphone à l’époque et vous ne pouviez pas passer une commande pour quelques choses de précis. Les livreurs avaient développé une technique habile pour empiler des tours de bols de nouilles et les transporter ensuite sur vélo dans des endroits comme les universités où ils avaient des clients fréquents. Étonnamment, certaines de ces photos proviennent de boutiques soba qui sont toujours en activité aujourd’hui !
Note :
Ce système de livraison existe encore en Inde ou au Pakistan par exemple. lors d’un prochain « Masque », je posterai le documentaire.
Vous êtes arrivés jusqu’ici, merci. Une petite page en couleur, pour faire la propagande pour le vélo et pour un cadeau de Noël, ou du joli mois de mai.
Comme j’ai de nouveau manqué la date anniversaire de ce cycber-cahier, autant prendre toutes ces photographies en noir et blanc comme un hommage au temps qui passe, même si à 6 ans, on ne devrait guère se faire de cheveux blancs.
Merci pour ce florilège.
Sur les vélos Schwinn (ceux de la pub vintage en couleur), Weelz a publié en 2015 un article sympatoche : https://www.weelz.fr/fr/histoire-schwinn-velo-etats-unis/
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Merci pour ce lien, très belle histoire d’une marque.
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