Théorème de J.B. Corot : « la ville de Copenhague est équipée de 350 km de pistes cyclables surélevées, séparées de la route et très sûres » dont plus de 550 km font les trottoirs d’Orléans et son agglomération.
Aller voir une, ou des personnes âgées, c’est plonger dans des souvenirs. L’exercice peut quelquefois être déplaisant pour différentes raisons, mais quelquefois le resson* d’un mot oriente les conversations et peut tracer de jolis itinéraires sur les parchemins de peaux ridées.
Par exemple et par hasard, le mot « vélo » ou sa variante, plus rurale, moins sportive, plus utilitaire, « bicyclette », lors d’un cafiron* d’après-sieste a donné les choses suivantes.
Note : Les noms des villes / villages / lieux-dits sont dans les deux langues, le territoire dont il se parle ici est la Charente-Limousine et les conversations reportées ont été tenues en langue occitane. Les mots en francitan* sont notés d’une étoile et expliqués en fin de billet.
Les gagnantes en grandes distance effectuées à pied ou à vélo sont souvent les femmes. Ma grande* maternelle est l’une d’elles. C’est elle qui m’a fait aimer me perdre en marchant ; enfant, je ne comprenais pas que pour rentrer d’une collation nous prenions un chemin différent de l’aller.
8 km à pied, ça use, ça use… sauf que si vous rajoutez, probablement en sabots, avec une sorte de poussette et 5 enfants dedans ou autour, si vous notez bien que nous sommes en hivers 1939, dans un pays de collines, de gel, de boue et de neige, et, pour être certain de vous tirer une larme, mon grand-père était en train de perdre la guerre sans en comprendre les raisons — tant de la guerre comme de la perte — et il y avait moins d’une dizaine de vaches à nourrir.
Pour la petite histoire : il se trouve que ma tante la plus âgée s’était coupée un doigt avec un coupe-betterave, et à l’époque, une absence de soins pouvait vite faire empirer les choses (coucou les anti-sciences). Donc, voici ma grand-mère partie à pied avec la marmaille sur les petites routes pour faire soigner le doigt. Le trajet de presque 8 km (15 km aller-retour) a été ainsi fait 2 fois par semaine au moins pendant un mois puis 1 fois par semaine un mois de plus.
La carte — même si elle ne vous parle guère — entre La Maurinia, ferme du domaine de Pressac, et Lesinhac (La Maurinie, Lezignac-Durand en français), avec une trace probable du chemin pris.
Attention : les barrages sur le fleuve Charente et son affluent la Maulde pour faire une réserve d’eau pour irriguer en période de sécheresse, pour faire une base de loisir, pour avoir des subventions dans le domaine touristique… enfin, le barrage n’existait pas en 39.
Un cycliste cette fois-ci, pour 8 km, le temps des foins. Il venait pour 3 jours dans la semaine, dormait sur un coin de paille, repartait ensuite avec sa nièce sur le porte-bagage pour passer un peu de temps chez les grands ; les parents passeraient la chercher avant la fin de l’été, à pied et en sabot à l’aller, en demandant un bout de charrette au retour.
Le chemin entre Chas Rassat et Lu Bruelh (Chez Rassat, le Breuil en français) calculé par un outil numérique, pour des routes aujourd’hui goudronnées.
À pas tout à fait 16 ans, une personne de la famille s’est trouvée être placée comme bonne chez une famille de vendeur de tissus de Chabanès (Chabanais en français).
Au début, elle faisait 7 km en bicyclette, entre Luçac (Lussac en français), un village où vivaient ses parents (trace jaune-fluo sur la carte suivante), en suivant à vélo ce qui était encore une route nationale, avec toujours moins de trafic qu’aujourd’hui. 2 mois après, ils ont déménagé au Bruelh (trace de A vers B sur la carte), ce qui, si cela lui a allongé un brin la distance, lui a rendu moins dangereux la route « en elle-même ». Avec l’arrivée des mauvais jours, elle avait accepté de dormir chez ses employeurs.
Attention : la déviation n’était pas de ce monde en 1955.
J’ai ouvert le précédent chapitre avec mes grand-parents maternelles, quelques mots de plus sur ceux chez qui je passais souvent une partie des vacances d’été ou d’hivers. Sans jamais avoir possédé de voiture, n’ayant plus de vélo, c’étaient des personnes de peu, qui marchaient énormément… par défaut. Quelques distances à titre indicatif, prises à partir du lieu-dit où je les ai connus :
J’ai eu connu un été au cours duquel, nous avons, mon grand et moi, suivi le bon vouloir du chien lors d’une promenade d’après-midi. Une petite marche de plus de 10 km pour laquelle il s’était au final fait engueuler par ma grand-mère de m’avoir autant fait marcher.
Lorsque mes grands habitaient à la Maurinie, pour que les enfants aillent à l’école primaire, il fallait faire 3 km par route et chemin, par tout temps, à pied et en sabots . Un jour, mon oncle ne voulait pas aller à l’école, ma grand-mère a attrapé sa bicyclette d’une main, l’oreille de mon oncle de l’autre, et zou ! L’équipage a filé en direction de Suris et sans broncher.
Si ma grand-mère a suivi la route à l’aller et au retour, le journal dit que ce soir-là, mon oncle avait pris le chemin (au nord sur le plan) un peu plus long.
Le bal avait lieu les dimanches après-midi de beau temps et hors travaux des champs (des travaux qui commandaient une grande partie de la vie du monde rural), et ma grand-mère, pour surveiller ses ouailles* (et faire le journal avec les autres mères), accompagnait ses filles sur les presque 5 km du Bruelh jusqu’à Pressinhac en passant par Pueg-miei (Breuil, Pressignac et Puymi en français).
Le point suivant est indicatif, en aucun cas scientifique. Si je donne les noms des villes ou villages en occitan dans sa graphie néo-classique, avant la cacographie jacobino-nationaliste — un pays, un peuple, une langue — ce n’est absolument pas par un quelconque sentiment « anti-français » ou pour faire croire que les « français modernes » seraient dotés d’une forme de stupidité télévisuelle, non, loin de là, c’est par respect pour un pays, son peuple & sa culture, et pour éviter certains malentendus suite à la cacographie.
Dans la conversation, il s’est parlé d’un travailleur qui toute l’année se rendait aux carrières d’Eissiduelh depuis Condilhac (Exideuil/Vienne, Condillac en français) soit 5 km de côtes et de virage, en vélo, et parfois, avec un coup de trop dans le gosier après une journée de labeur.
Ma mère, pour ne parler que d’elle, faisait dans Sent Junian (St Junien en français) le chemin du fbg Blanqui jusqu’à l’usine du site Corot soit 2,5km, 4 fois par jour et à pied. Ce n’est pas tant l’aller qui posait un problème de faire se trajet à vélo (probablement mono-vitesse avant même que ce soit un objet de modernitude) mais le retour par « la côte de Précoin ». L’immeuble dans lequel elle louait une chambre n’avait pas de cour pour stationner un petaron*, un objet d’un grand progrès dans ces années 60 pour se déplacer dans un pays de collines. Elle attendra d’habiter la campagne pour s’en acheter un.
Fun fact – anecdote : sa petite fille, après avoir trouvé du travail a logé dans la même rue, à quelques 2 numéros, mais elle, elle stationnait une automobile dans la rue avant d’aller travailler à 10 km.
Le point suivant est indicatif, en aucun cas scientifique.
Explications rapides sur cette histoire de changement de genre (et il n’y avait pas les débats moisis alimentés par ceux qui croient dans un être invisible et combattent une théorie qui n’existe pas) : en occitan, un élément isolé de genre masculin singuliers garde son genre au pluriel s’il est groupé avec ses semblables, mais, s’il est dans pris un collectif, il change de genre.
Exemple : un poireau bleu d’hiver au singulier, des poireaux bleus d’hiver au pluriel, mais, si du poireau bleu est mélangé à du poireau jaune du Poitou, l’ensemble de ces poireaux devient un féminin pluriel.
Il y a des cas de figure plus complexes, mais on cause vélo ici, pas linguistique.
Faut-il dire du fbg Liebknecht ou de l’av. Gagarine :p ?
Même si ce billet a quelques couleurs sépia, passées voir passéistes, loin l’idée de votre serviteur de dire que « c’était mieux avant » — lui même est à inclure dans le champ de la critique — et les participant·e·s au journal étaient de cet avis, sans regard critique des bienfaits d’une modernisation nécessaire mais à leur échelle à eux ; l’emprise moderne est une autre paire de roue… de 4×4.
Dans le temps du début du siècle XX, les personnes se déplaçaient cependant beaucoup, par nécessité ou urgence, la vie quotidienne était réalisée dans une quasi-autarcie, l’épicier passait régulièrement en camion, tout comme le boulanger ou le boucher, les marchands de vêtements livraient parfois des affaires commandées lors d’une foire ; le temps n’était pas aux fausses urgences. Encore une fois, point de sur-valorisation dans mes propos d’une vie d’avant idéalisée, un seul témoignage pour dire que l’organisation de la vie a connu des formes différentes que celle vendue dans le montre-couillon avec ses créations de faux besoins, donc de fausses raisons de se déplacer.
Mon oncle, mes tantes et mère réunissent à eux 4 plus de 320 ans, et l’exercice des noms de lieux, des moyens de transport, était très bon pour leur mémoire… et pour le cadre de la thématique de ce jouèb.
Pour mon goûter, cette madeleine, « Bijou » est ma (p)référence (>fr), a agrémenté une bien trop chaude après-midi d’été, une de ces après-midi où l’on voyage davantage en parole que sur un vélo ou à pied… mais dans le temps.
Los e las d’Occitania poden retrobar lu Ive Lavalada ‘quí dins « Meitat chen – meitat pòrc » e aquí dins « En ondas ».
Donné par le CNRTL (>fr).
Le mot se prononce quasiment comme « las oelhas » occitanes, c-à-d les brebis.
Potons de Mameta Domenja !
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