Prenons-les « au mot »

Quand on refait la chaussée, on peut faire une piste cyclable à côté. Tout le long de la ligne B, il y a une piste cyclable. Ça améliore les choses ».

Ainsi parla Thiberge, le représentant des automobilistes à Orléans Mégalopopole, Orléans la ville qui agit au quotidien contre les cyclistes. C’est ici, dans le poste (>fr).

Prendre qqn au mot. Prendre quelqu’un à ses propres paroles, accepter une proposition faite par quelqu’un qui ne pensait pas être pris au sérieux :

Il a prétendu qu’il vous connoissait si bien, qu’il serait en état de faire votre portrait, nous l’avons pris au mot, et n’ayant pu se dédire, voici l’ouvrage qu’il nous a apporté ce matin, et qui ne manque pas de vérité (Sénac de Meilhan,Émigré,1797, p.1603).

Je prie Votre Excellence de ne pas songer à moi pour la croix, et encore moins pour la gratification. − Prenez garde, monsieur, dit le ministre tout à fait en colère, je suis homme à vous prendre au mot (Stendhal,L. Leuwen, t.3, 1836, p.198).

Après un léger énervement — suite à de telles sottises pour ne pas dire conneries, il m’est difficile de rester calme — je me suis dit « et s’il était niais » (la lumière ?) pardon, ça c’est le titre d’un pastiche littéraire, je me suis dit « et si c’était vrai, cette histoire des kilomètres de cyclabilitude ». Un billet-enquête de Marc Levier de Changement De Vitesse, à la rencontre des 11km tirés de la communication municipale d’Orléans et des petites villes de banlieue.

La Chapelle — le chat crevé pèle

Entrée en piste, pardon, sur un trottoir déguisé à la Chapelle. Pas grand-chose à dire, le terminus est situé dans une banlieue grise, loin de tout, proche des hôtels pas chers, au niveau d’une sortie d’autoroute, dans une zone.
Voici un carrousel d’images (comme pour chacun des points) de l’équipement avec ses déchets, son chat mort, le premier changement de côté sur les 3 que compte l’itinéraire en cet endroit.

Les habitué⋅e⋅s, comme le d’jeune, ne tiennent pas compte de l’équipement et prennent des risques inutiles, mais devant la grande médiocrité de ce premier kilomètre, c’est compréhensible.

St Jean de la Ruelle — le cycliste paye la misère intellectuelle

Vous avez changé de côté déjà trois fois, vous allez bien le refaire trois fois de plus, le long de… comment dire… il n’y a pas véritablement de mots… c’est cela l’effet magique du gris.

Un équipement mal réfléchi, peut-être même pas du tout, cela incite les cyclistes à faire n’importe quoi.

Madeleine — cycliste, contemple ta peine

La fin de l’espace mixte est… sans nom lui aussi. Vous n’allez pas rester en peine au carrefour longtemps puisque à partir d’ici, il n’y a plus rien, sauf de-ci, de-là, quelques sas peints, des panonceaux à destination des cyclistes. Ah si, j’allais oublier. La carte en début de billet indique un chemin, j’en ai pris un autre, et voici le premier sens interdit, ce, pour suivre au plus près les délires de l’élu à la voituritude.

Rappelons que circuler entre les rails du tram n’est sécurisant ni pour le cycliste, ni pour le conducteur, la conductrice, du tramway. En même temps, dans d’autres quartiers de la cité johannique, ils seraient bien inspirés de se plaindre des automobiles qui circulent sur la plate-forme, rue de la gare à Orléans, quartier gare à Fleury les Aubrais.

Carmes — les travaux enlèvent le charme

Il est dommage que la rue des Carmes à Orléans n’ait pas été détruite par les incendies provoqués par les bombes allemandes en 1940 ou les bombardements alliés de 1944 (ill. 1). Cela aurait permis une fois pour toute, au moment de la reconstruction, d’élargir cette rue afin qu’elle puisse, au début du XXIe siècle, faire passer à la fois le tramway ET les voitures. Heureusement, le maire d’Orléans Serge Grouard et son adjoint à l’urbanisme Olivier Carré, tous deux également députés, sont là pour terminer ce que les Allemands sottement n’ont pas fait.

Côté cycliste, il n’y a toujours pas de piste. Voir même ce quartier est dangereux à cause des pavés, des jointures défaites, du croisement des rails… de plus la rue est sale (comme d’autres dans l’agglo), il y a des marches un peu partout, la place De Gaulle est morne, glissante et grise. En un mot, c’est la catastrophe (concernant la place, elle est dans un meilleur état que lors du passage de la ligne 1).

Du sens interdit jusqu’au cinéma, nous venons de faire 2 km sans équipements spécifiques ; à accepter l’hypothèse que dans l’imaginaire, probablement riche, des potentats locaux, ce qui se donnait à voir auparavant était digne d’intérêt.

Jehanne d’Arc — au bonheur des feux

Continuons le sens interdit quelques mètres puisque de toutes façons, il n’y a pas de pistes présentes. Dès que le sens de circulation le permet, reprenons notre place de véhicule sur la chaussée.
J’ai quitté l’itinéraire momentanément pour des questions de sécurité et de confort. Une notion qui échappe complétement au décideur en son bureau.

Anecdote : une petite vieille en voiture asiatique (photos) m’a klaxonné alors que une piétonne-poule hésitait entre passer et trépasser. J’ai rattrapé la vieille 2 feux plus loin pour lui faire bouuuuuuuh. Elle en a klaxonné encore plus.

Rue E. Vignat — cycliste tu as du tracas

À partir de là, je me suis mis à observer le tramway qui se trouve à gauche présentement. C’est presque  important pour la suite du billet.
La ligne est à gauche, passé le rond-point Halmagrand elle sera à droite tout le long de la rue. Pour qui se risque sur le trottoir, au milieu des voitures des sportifs, des élèves et des profs, un nouveau changement s’effectuera au bout de la rue

Argonne — le trottoir déconne

De Riobé à l’arrêt du Grand Villier, le plus sécurisant est la chaussée, tant pis pour les klaxons. Officiellement, il faut être sur les bouts de trottoirs qui montent, qui descendent, qui coupent la route, sur lesquels il y a les poubelles, des autos, des ressauts… bref, la chaussée est là pour les véhicules, la seule obligation est de respecter les règles de circulation.

St Jean de Braye — le cerveau débraye

Jean Jaurès, « Discours à la Jeunesse », Albi, 1903 :

[…] Le courage, c’est d’aimer la vie et de regarder la mort d’un regard tranquille ; c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel ; c’est d’agir et de se donner aux grandes causes sans savoir quelle récompense réserve à notre effort l’univers profond, ni s’il lui réserve une récompense. […]

À St Jean de Braye, « on » sait rendre hommage aux grands hommes, y’a pas à dire.
Enfin, les derniers kilomètres de la ligne n’ont pas été faits dans la déconne, pas du tout. Après Jaurès, il y a un passage à vide puis on retrouve le tramway. En vérité, sans forcer, un⋅e cycliste « de base » va plus vite que le bus ou le tramway, ce constat le petit doigt en l’air en dit long sur l’envie qui a présidé aux choix mis en place. On le double une fois de plus malgré l’absence d’équipement de qualité, malgré le cafouillage cycliste au milieu des poubelles, pour rester devant, jusqu’au clos du hameau (opération immobilière), objet d’un prochain billet.

Conclusion

Aucune !

Tenir des propos incohérents est facile. Ces affirmatudes sont d’autant plus aisées que les grands fauves utilisent la méconnaissance du milieu de l’auditoire — un point Sun Tzu ou Sun Zi 孫子  — souvent celle des journalistes, qui « à l’insu de leur plein grès croient » ce qu’on leur dit de croire, très souvent celle de l’électorat qui n’est pas prêt à aller vérifier, à parcourir, à arpenter, à comprendre, à vérifier.
Ce sont des activités qui prennent du temps, oui, mais réparer les conneries en prend doublement et faire que ce qui n’est pas à faire peut devenir cher.

Peu, très peu de kilomètres réellement cyclables, à peine 5 km sur 12 ! Et encore, dans ces 5 km, il y a de l’espace mixte, c’est quasiment tout en double sens. Des kilomètres d’une bonne facture, il y en a à peine 2 (100m plus 100m multipliés par l’âge du capitaine). Des kilomètres d’une qualité propre à faire circuler 200 cyclistes à l’heure, il n’y a pas, même en baissant le niveau à 50 vélos par heure, le compteur des kilomètres cyclables dignes d’une capitale de la galaxie reste à 0 (zéro).

  • Dans ce billet (>en), il se parle de 2 cyclistes à la seconde.

Fait « rigolo » du trajet de la seconde ligne de tramway : dans les 2 premiers kilomètres, les cyclistes sont invités à croiser les rails du tramway par 6 fois, sur les 14 fois de la totalité du chemin. Changer de sens 14 fois en moins de 12 km, c’est couper les rails plus d’une fois par kilomètre.

Et certain⋅e⋅s dans la mégalopopole parlent d’équipements de qualité, nous sommes bien loin de « Copenhagenizer » (>fr) :

 

3 commentaires

  1. Ton texte regorge de trouvailles langagières, c’est un régal de lecture. J’en retiens une en particulier qui résume parfaitement le sentiment que m’inspire l’endroit : « la place De Gaulle est morne, glissante et grise ».

    Ton billet me donne en tout cas l’idée d’une série vidéo le long de la ligne B en reprenant ton découpage.

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