L’histoire passe de l’oïl à l’òc

Quelques notes de la première petite randonnée de l’année 2019… passer du domaine d’oïl au domaine d’òc par la Scandibérique & la Charente-Limousine avec Jan d’Auvernha.

Aller à Angoulême en train

L’accueil des voyageurs, pour l’achat d’un billet, au dépôt d’Orléans en 3 mots « foutage de gueule ». Encore une fois, l’ancienne compagnie des chemins de fer n’est de sévices publics que le cache-sexe d’une société ouvertement commerciale, pardon, ouvertement tournée vers le vol… et il n’est pas question de déplacements par avion présentement.

Pourquoi ne pas se faire plumer par des offres délirantes rédigées par des usagers de drogues dures ? Si nous avions le choix du plumeur ! Ce paragraphe libéral clos, prendre les trains régionaux avec un vélo est loin d’être désagréable.

Les 2 possibilités pour parquer la bicyclette ont été testées. Les arceaux ne sont pas rassurants, en effet la roue de devant est « perchée » et laisse ainsi le vélo dans une position instable. La position suspendue à un crochet semble mieux, sauf que le vélo est vraiment en l’air, sans rien pour le stabiliser.

Voici en comparaison le même système dans le suppositoire de la demie-ligne Sent Junian – Lemòtges :

Il y a un « rail » pour maintenir le vélo.

Comme il y avait peu de monde dans le TER, il n’était pas difficile de choisir une place avec vue sur le vélo côté fenêtre. L’entrée et la sortie dans le compartiment se fait « à plat », dans un très grand confort :

On peut saluer comme exemplaire l’effort des Régions Pays de la Loire et Centre-Val-de-Loire pour accompagner les randonneurs à vélo.

Après le super TER, le tégévé ! L’arnaque à grande vitesse — qui encore ose défendre ce truc — n’offre rien d’exceptionnel en matière de praticité et de confort.

  • Entre St Pierre des Corps & Poitiers, le vélo était « posé » debout dans l’emplacement prévu (limité à 2 places) dans le compartiment spécifique. Les consignes pour l’attacher semblaient superfétatoires au regard du faible nombre de voyageurs — malgré le blablabla « le train est plein » du site internet de la société et celui de l’agente au guichet du dépôt d’Orléans (bien loin d’une agence de voyage). Rien ne sera dit sur la meurtrière laissée au voyageur pour apercevoir le paysage. Pour la montée dans le compartiment, faut être costaud et donner du guidon — merci la poignée de portage du vélo — car le corridor est très étroit, c’est aussi cela la « french’touch de modernitude ».

  • Entre Poitiers et Angoulême, puis Bordeaux, le vélo devait descendre d’un niveau pour monter sur la plate-forme, sans rouler sur les bagages déjà présents — l’existence du XXIème arrondissement n’est pas une rumeur — merci la poignée de portage du vélo. Cette plate-forme n’est véritablement pas un équipement de qualité, mais les personnes présentes semblaient s’accommoder du capharnaüm. Étrangement la place voyageur dans ce tégévé était plus spacieuse et elle laissait au paysage le loisir de s’apercevoir.

Vive le TER !

Notes de voyage

Carte Angoulême – St Junien

Voici présentée la carte du déplacement du jour, au pays des cagouilles. Les points jaunes sont les endroits photographiés.

Premiers kilomètres — Scandibérique

ce qui peut choquer l’orléanais, c’est l’absence de bordure dans les aménagements

Circuler dans Angoulême, avec une automobile sous les fesses, a toujours été malaisé pour ma pomme. À vélo, ils y avaient quelques appréhensions pour les premiers kilomètres, pour sortir de la ville, passer cette entrave à l’humanité qu’est une rocade. Finalement non, la gare laissée, aller prendre la scandibérique a été facile. Ce qui participe à cet étonnement n’est pas la qualité de la bande peinte sur la chaussée — quartier gare — sans oublier le bout de tronçon trottoirisé, loin de là, ce sont — à l’approche de la rocade — les aménagements pour circuler dans le rond-point, pour passer d’un côté à l’autre. Ce qui peut choquer l’orléanais, c’est d’une part, l’absence de bordure dans les aménagements (hors les quelques travaux en cours), d’autre part, l’attention marquée des automobilistes envers un promeneur sur une bicyclette.

Scandibérique 1

Quittée la cité, passée la rocade, premier tronçon de la scandibérique.

Rien à dire, c’est parfait. La signalétique est là, à une juste mesure. Les signes se donnent à suivre, sans prétention, en rien péteux, dans une efficacité de bon aloi. Le cheminement proposé est agréable, l’arrivée et la circulation dans Ruelle se fait sans problèmes, le long de la ligne de chemin de fer Angoulême-Lemòtges, fermée pour l’instant (non, rien), jusqu’à Magnac. Même le morceau au « cul du parking » est surprenant par son absence de bordures, allô ! mairie d’Orléans !

Égarement

Déjà, j’ai commencé le voyage après 3 heures de train. J’avais comme désir de prendre en photo quelques sources présentes sur le chemin, ce en évitant les demi-tours. Me voici donc après monter la première côte (~150 m), en fin de matinée, avec seulement 10 km dans les pattes. Maudit soit l’abruti qui n’a pas voulu suivre la scandibérique. Enfin, le point de vue en valait la peine, heureusement.

Coulée d’oc

Dès le Pontil, la scandibérique sera de nouveau la voie à suivre, avec le même ravissement que précédemment. Au Queroy, la coulée d’oc sera sous les roues du vélo ; c’est une très belle réalisation (son utilité au quotidien mériterait examen !).

À l’intersection avec la départementale, nouvelle infidélité, même un surlendemain de St Fête-de-la-rose-congelée.

Tourisme

Les lanternes des morts

Si le cimetière est un lieu important au Moyen Âge, c’est qu’il recèle à la fois les corps des défunts et une partie de l’âme. Du reste, la possession des rites funéraires par l’église est primordiale.

Il va naître un phénomène architectural unique, localisé dans les diocèses de Poitiers, Saintes et Limousin, qui est l’élévation des lanternes des morts au XIIème siècle.

Quelques kilomètres le long d’une départementale, peu passante, pour la photo, rien de plus, sauf que à Pranzac, les personnes sont vraiment sympathiques.

lanterneDSCF2002
Lanterne des morts – Pranzac

Nadau

Petit hommage à Jan d’Auvernha qui est un cadeau de noël, nadau dins la linga d’òc, que aura sem las doas rodas dedins. Les amateurs des langues visiteront ce lien (>òc) qui parle de l’absence du limousin dans la région.

25 000 ans dans ta face

Après les légendes, retours à la réalité, la bourgade de Vilhonneur est un concentré de l’histoire humaine. Nous sommes ici aux frontières de la Charente-Limousine et de la Dordogne. Les ruisseaux ont pour nom le Bandiat, la Tardoire. Les collines boisées offrent facilement un abri pour la nuit. L’occupation de la place par différentes familles humaines, Néandertal & Sapiens, date de la nuit de l’humanité.

Les premières estimations font remonter l’occupation de la grotte au Gravettien (Paléolithique supérieur) soit entre – 25 000 et – 27 000 ans avant notre ère. Ce sont donc des Homo sapiens (et plus particulièrement des « Cro-Magnons ») qui auraient réalisé les œuvres contenues dans la grotte.

Après avoir colorié les grottes, façonné les premières pierres, après en avoir « enseigné » la taille (un quartier d’Angoulême abritait une « école » ou peut-être un centre de production du silex (attention, ce n’est pas la même époque)), l’humanité forgea les premiers outils et découvrit les métaux.

Appuyer sur les pédales d’un vélo en acier dans un bourg qui est témoin des débuts de l’humanité moderne, un vélo Histoire©, il y a des symboles de plus mauvais augures…

Hors la préhistoire, le lieu a un également été occupé par les celtes (cf point toponymie), les romains, il y a un gué, il y a un château et… une gare de chemin de fer, encore du fer.

Elle n’est plus en service ; depuis les premières traces humaines, le temps n’a plus la même valeur.

Prendre de la hauteur

La préhistoire, l’histoire, la grande ou la petite, c’est bien, mais il serait temps de quitter la plaine pour prendre un petit peu de hauteur. Jan d’Auvernha a été conçu en Auvergne, dans le Massif Central qui présentement nous fait face — façon de parler, car nous sommes ici dans ses premiers contreforts (à l’ouest) — avec moins de 400 m de haut (je tarte celui ou celle qui se moque).

Et c’est parti pour plus de 10 kilomètres de côte, le long d’une ligne de crête, pour sceller l’union du vélo et du bonhomme : test validé aux 353 m de l’Arbre.

Petit point toponymie :

  • La ribe : c’est de l’occitan mal-francisé, même dans un canton où la langue se parle en « é », = la rive (en latin, ripa = rive) ;

  • L’arbre : substrat celtique, vient de « alp » qui signifie hauteur. Ce n’est pas étrange comme nom quand l’on sait que le village de l’Arbre est le plus haut du département. Si cela venait de « l’arbre » occitan, nous serions à « l’aubre ». Dans la région, pour marquer les chemins, les carrefours, pour ne pas se perdre lorsqu’il y avait encore des hivers avec de la neige, depuis les temps les plus reculés de l’humanité, le long des voies de circulation, il était planté des chênes verts ; cela se retrouve sous ce nom dans la toponymie avec les variantes de « bel arbre » ou « gros arbre ».

  • Nomdelieu-ac : ce « ac » est un substrat celtico-latin. Le « c » ne se prononce pas en limousin.

Camouflage

Test couleur pour savoir si la monture peut se fondre dans le paysage, si c’est un digne fils du pays : validé, même si jaune gentiane, ce n’est pas jaune genêt.

Égarements

Second égarement dans l’élaboration de la carte, au lieu dit « la belle étoile ».

Non, je n’ai pas pour projet de dormir dehors, mais j’en connais qui pratique. Avec une thématique « retour aux sources », j’avais forcé la trace de Naviki© (>fr) pour passer devant la source de la Moulde. Ce que je croyais être une petite route était un chemin de pierre, de boue, d’écorces, de branches… et la source n’était finalement qu’un trou d’eau (la photo a été prise un peu plus loin, quand le ruisseau prend forme).

Rien de grave, un vélo avec de bons « peneus » peut rouler sur un nid d’échardes et ne pas crever. La Moulde sera de nouveau croisée et photographiée… en grand.

J’avais programmé une rencontre avec un menhir. Peut-être était-il de tournage avec Depardieu, peut-être l’ai-je mal localisé, ou alors avec l’âge, j’ai la vue qui baisse. Rien qu’une petite déception, sans conséquence parce que je sais que depuis que je suis sur le plateau, je suis « chez moi ». En continuant la route, les lieux de vacance s’approchent et la scandibérique revient.

Scandibérique 2

Attention, je parle ici de l’itinéraire noté sur la carte papier n°146 de l’IGN©.

Plusieurs portions font débats au sein des différentes structures. Je ne suis pas en mesure de dire lequel des itinéraires est le meilleur. Des divergences portent sur le tronçon entre Chazelle et Manot — un trajet que je n’ai pas pris, fidèle à la voie du milieu —, celui de la carte fait passer par des lieux que j’affectionne, celui de l’Eurovélo3 est plus sécurisant

Cela énerve parfois les institutions, mais nous sommes d’abord au service des cyclistes et du développement du tourisme à vélo. Notre raison d’être est là quitte, parfois, à se fâcher avec techniciens et élus. Si après l’avoir pratiqué, souvent avec des cyclistes non avertis, nous estimons qu’un itinéraire ne répond pas aux critères de sécurité (trop de voitures, trop rapides), d’agrément et qu’un autre est plus adapté, c’est celui là que nous préconiserons.

À partir de Massignac, le trajet de la carte mène vers une terre brûlée au vent, des landes de pierres, autour des lacs, c’est pour les vivants, un peu d’enfer, la Charente est là ! Sans Sardou.

La Moulde, en grand !

Pour ma pomme, je connais un peu, et je vous laisse de la lecture sur ces projets « touristiques » :

Si la botte secrète de la Haute-Charente n’avait pas pris l’eau en 2010, le complexe touristique de 5 000 lits autour des lacs fêterait sa huitième saison. Et des touristes en famille, en groupe, des professionnels en séminaire, des Anglais, des Chinois, des Japonais viendraient doper l’économie locale.

Hop, après avoir échappé aux buses, je file à Suris me sustenter… d’air frais, car la boutique n’est pas encore ouverte. Enfin, je me nourris des souvenirs des vacances au temps de l’enfance en faisant un léger détour par le village dans lequel vivaient mes grands parents.

Voici la Vienne en son passage à Exideuil/Vienne , toujours le ventre presque vide car là aussi, l’épicerie ouvre plus tard.

Une petite montée supplémentaire au kilomètre 70 au sortir d’Exideuil, passèe la grand-route, un détour par « chez mon frère ou chez ma sœur », l’hésitation et 3 collines passées, la monture attachée au bac d’eau fera aboyer à la mort le coyote de chien qui vit chez ma mère.

Après 89 km de vélo, avant presque de dire bonjour, les voisin⋅e⋅s m’expliqueront doctement qu’il n’y a pourtant que 70 km par l’ancienne route nationale, que j’avais que faire comme dit le gouvernement de faire, c-à-d, acheter une électrocyclette, que… que… l’eau au litre que je désire plus que tout peut faire rouiller la machine mais pas le bonhomme.

La courbe du chemin

Pour le plaisir.

Conclusions

  • Il me fallait cette première petite randonnée pour me convaincre que je suis du matin, dès le petit-déjeuner avalé ; partir après plus de 3 heures de train, en fin de matinée, n’est vraiment pas une bonne chose pour faire du kilomètre, surtout dans un pays de colline.
  • La Randonneuse Classique (>fr-becancaneries) est un très très très bon vélo (mais dans 10 000 km, je changerai quand même les plateaux. J’ai encore 8 000 km pour hésiter entre le 48/38/28 du T100 d’avant, ou le 48/36/26 de sa grande sœur).
    • Il me faut ajouter des cornettes au cintre — de la p’itas banas coma las lemosinas ne’n an — pour faire peur aux vaches rouges, pardon, pour gagner en confort.
  • La scandibérique, c’est bien !
  • Heureux.

2 commentaires

    • Jan d’Auvernha est en Shimano-Alivio Trekking | 9 vitesses | Pédalier 44/32/22 | Cassette 11/32, transmission par chaine.
      Mais dans 8000km le pédalier passera probablement en 48/38/28 (idem que le T100). 48 pour le plat c’est super efficace, et le 28 ne m’empêchera pas de monter les petites collines limousines.

      Blua-Marko est en tout automatique 7vitesses plus retropédalage (une merveille en ville). Il ne lui manque plus que son feu arrière pour que je te le laisse en pension.

      Et pour transporter le vélo dans le train, l’invention de la poignée de portage est excellentissime.

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